1949 : arrive en région parisienne
1954 : service militaire
1957 : usine jusqu'en 1962
1962 : emploi à la Polymécanique,
Pantin
1967 : licencié de la Polymécanique.
Abcès au poumon. Trois mois d'hôpital.
Un an arrêt de travail. Chômeur secouru
et puis rien.
1977 : arrive à la Plaine-Saint-Denis, chez
sa femme et sa belle-mère
qui décèdent en 1981.
On l'appelle Charlot. Il n'a rien. Il est. Ici ou
là. Charlot sait seulement qu'il existe.
Pauvre sans être démuni, accablé sans être inquiet,
sans joie ni peine, Charlot marche
pour marcher, pour tenir, sans savoir toujours vers où ni pourquoi
là.
Dans six ans, la retraite. Un petit pécule. Il a sa piaule à
La Plaine. Près de Saint-Denis,
au sixième étage d'un immeuble noir qui borde l'autoroute.
Il survit là comme dans un sas entre lui et le monde. Ses copains,
Noël et Jacques, eux, sont dehors. Derrière le mur.
Dur. Là où vit Charlot, c'était chez la belle-mère.
Où naqui aussi sa femme. Déjà six ans qu'elles sont mortes,
presque ensemble. Deux enterrements, encore des sous à dépenser.
L'argent de coté y est passé. Depuis plus rien. Rien d'autre
que la vie dans son pauvre état pur. Apparemment sans rêve. La
vie quoi. La ballade d'un corps.
Et surgissant parfois, hiératique, la tendresse d'un sourrire sous
l'illumination d'un regard lorsque Sona, l'enfant-voisine, court vers ses
bras. Au reste, la somme des heures. Si sa femme n'était pas morte,
Charlot aurait repeint la pièce.
Mais au mur, quelques photos d'artistes découpées dans la presse
suffisent à tromper la solitude, à instaurer le rêve.
D'autres objets usuels de première nécessité s'alignent
en chaque recoin, bien ordonnés. Table, chaise, radio, bassine. Chaussettes
au séchage, poêle et bois. Lit. Deux miroirs, pour renvoyer la
lente précision des gestes quotidiens :
manger, dormir, se laver. On a viré, vingt ans déjà,
Charlot de son emploi de métallo. Il a d'abord charché, et puis
plus.
Arrivé aux portes, même plus la peine d'entrer. Au début
les Assedic, et puis plus. Sans autre ressource que lui.
Des heures à marcher au long des fins de marché, à démarcher
des poubellles. Paris, pas loin, quand on connait, on y trouve même
de la viande, même des litrons intacts. La subsistance est un métier,
la survie une quête, la dignité une errance. Et ça marche,
mieux que les restos du coeur dont Charlot s'indigne à cause des resquilleurs.
Trop honnête Charlot. Vivement la retraite !
Depuis, il se débrouille...